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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/38

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chose. Vray est qu’ils en usent encores pour un autre esgard : car parce que cela leur fait distiller les humeurs superflues du cerveau, vous ne verriez gueres nos Bresiliens sans avoir, non seulement chascun un cornet de ceste herbe pendu au col, mais aussi à toutes les minutes : et en parlant à vous, cela leur servant de contenance, ils en hument la fumée, laquelle, comme j’ay dit (eux reserrans soudain la bouche) leur ressort par le nez et par les levres fendues comme d’un encensoir : et n’en est pas la senteur mal plaisante. Cependant je n’en ay point veu user aux femmes, et ne scay la raison pourquoy : mais bien diray-je qu’ayant moy-mesme experimenté ceste fumée de Petun, j’ay senti qu’elle rassasie et garde bien d’avoir faim.

Au reste, combien qu’on appelle maintenant par deçà la Nicotiane, ou herbe à la Royne Petun, tant s’en faut toutesfois que ce soit de celuy dont je parle, qu’au contraire, outre que ces deux plantes n’ont rien de commun, ny en forme ny en proprieté, et qu’aussi l’auteur de la Maison Rustique, liv. 2. chap. 79. afferme que la Nicotiane (laquelle dit-il retient ce nom de monsieur Nicot, qui premier l’envoya de Portugal en France) a esté apportée de la Floride, distante de plus de mil lieuës de nostre terre du Bresil (car toute la Zone Torride est entre deux) encor y a-il que quelque recherche que j’aye faite en plusieurs jardins, où l’on se vantoit d’avoir du Petun, jusques à present, je n’en ay point veu en nostre France. Et à fin que celuy qui nous a de nouveau fait feste de son angoumoise, qu’il dit estre vray Petun, ne pense pas que j’ygnore ce qu’il en a escrit : si le naturel du simple dont il fait mention ressemble au pourtrait qu’il en a fait faire en sa Cosmographie, j’en di autant que de la Nicotiane : tellement qu’en ce cas je ne luy concede