Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/39

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pas ce qu’il pretend : assavoir qu’il ait esté le premier qui a apporté de la graine de Petun en France : ou aussi à cause du froit, j’estime que malaisément ce simple pourroit croistre.

J’ay aussi veu par delà une maniere de choux, que les sauvages nomment cajou-a, desquels ils font quelquesfois du potage : et ont les fueilles aussi larges et presque de mesme sorte que celles du Nenufar qui croist sur les marais de ce pays.

Quant aux racines, outre celles de Maniot et d’Aypi, desquelles, comme j’ay dit au neufiesme chapitre, les femmes des sauvages font de la farine, encore en ont-ils d’autres qu’ils appellent Hetich, lesquelles non seulement croissent en aussi grande abondance en ceste terre du Bresil, que font les raves en Limosin, et en Savoye, mais aussi il s’en trouve communément d’aussi grosses que les deux poings, et longues de pied et demi, plus ou moins. Et combien que les voyant arrachées hors de terre, on jugeast de prime face à la semblance, qu’elles fussent toutes d’une sorte, tant y a neantmoins, d’autant qu’en cuisant les unes deviennent violettes, comme certaines pastenades de ce pays, les autres jaunes comme coins, et les troisiesmes blancheastres, j’ay opinion qu’il y en a de trois especes. Mais quoy qu’il en soit, je puis asseurer, que quand elles sont cuites aux cendres, principalement celles qui jaunissent, elles ne sont pas moins bonnes à manger que les meilleures poires que nous ayons. Quant à leurs fueilles, lesquelles traisnent sur terre, comme hedera terrestris, elles sont fort semblables à celles de concombres, ou des plus larges espinars qui se puissent voir par deçà : non pas toutesfois qu’elles soyent si vertes, car quant à la couleur, elle tire plus à celle de vitis alba. Au reste parce que elles ne portent