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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/48

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seulement vestu une chemise quand ils vont au combat, estimans que cela les empescheroit de se bien manier, ils la despouilleroyent.

Et à fin que je paracheve ce que j’ay à dire sur ce propos, si nous leur baillions des espees trenchantes (comme je fis present d’une des miennes à un bon vieillard), incontinent qu’ils les avoyent, jettans les fourreaux, comme ils font aussi les gaines des cousteaux qu’on leur baille, ils prennent plus de plaisir à les voir tresluire du commencement, ou d’en couper des branches de bois, qu’ils ne les estimoyent propres pour combattre. Et à la verité aussi, selon que j’ay dit qu’ils sçavent tant bien manier les leurs, elles sont plus dangereuses entre leurs mains.

Au surplus nous autres, ayans aussi porté par delà quelque nombre d’harquebouses de leger prix, pour trafiquer avec ces sauvages, j’en ay veu qui s’en sçavoyent si bien aider, qu’estans trois à en tirer une, l’un la tenoit, l’autre prenoit visée, et l’autre mettoit le feu : et au reste, parce qu’ils chargeoyent et remplissoyent le canon jusques au bout, n’eust esté qu’au lieu de poudre fine, nous leur baillions moitié de charbon broyé, il est certain qu’en danger de se tuer, tout fust crevé entre leurs mains. A quoy j’adjouste qu’encores que du commencement, qu’ils oyoyent les sons de nostre artillerie, et les coups d’harquebuses que nous tirions, ils s’en estonnassent aucunement : mesmes voyans souvent, qu’aucuns de nous, en leur presence, abbatoyent un oyseau de dessus un arbre, ou une beste sauvage au milieu des champs : par ce principalement qu’ils ne voyoyent pas sortir ny en aller la balle, cela les esbahist bien fort, tant y a neantmoins, qu’ayans cogneu l’artifice, et disans (comme il est vray) qu’avec leurs arcs ils auront plus