Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/49

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tost delasché cinq ou six flesches qu’on aura chargé et tiré un coup d’harquebuze, ils commençoyent de s’asseurer à l’encontre. Que si on dit là-dessus : Voire, mais l’harquebuze fait bien plus grand faucee : je respon à ceste objection, que quelques colets de buffles, voire cotte de maille ou autres armes qu’on puisse avoir (sinon qu’elles fussent à l’espreuve) que nos sauvages, forts et robustes qu’ils sont, tirent si roidement, qu’aussi bien transperçeront-ils le corps d’un homme d’un coup de flesche, qu’un autre fera d’une harquebuzade. Mais parce que il eust esté plus à propos de toucher ce poinct, quand cy apres je parleray de leurs combats, à fin de ne confondre les matieres plus avant, je vay mettre nos Toüoupinambaoults en campagne pour marcher contre leurs ennemis.

Estans doncques, par le moyen que vous avez entendu, assemblez en nombre quelque fois de huict ou dix mille hommes ; et mesmes que beaucoup de femmes, non pas pour combatre, ains seulement pour porter les licts de cotton, farines et autres vivres, se trouvent avec les hommes, apres que les vieillards, qui par le passé ont le plus tué et mangé d’ennemis, ont esté creez chefs et conducteurs par les autres, tous sous leurs conduites, se mettent ainsi en chemin. Et combien qu’en marchant ils ne tiennent ny rang ny ordre, si est-ce toutesfois que s’ils vont par terre outre que les plus vaillans font tousjours la pointe, et qu’ils marchent tous serrez, encor est-ce une chose presques incroyable, de voir une telle multitude laquelle sans mareschal de camp, ny autre qui pour le general ordonne des logis, se scait si bien accommoder, que sans confusion, au premier signal vous les verriez tousjours prests à marcher.

Au surplus, tant au desloger de leur pays, qu’au