Aller au contenu

Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la personne d’Attabalipa : il fut si asseuré que encor qu’il sautast un peu d’escume du cheval sur son visage, il ne monstra aucun signe de changement : mais fit commandement de tuer ceux qui s’en estoyent fuis devant le cheval : chose (dit l’historien) qui fit estonner les siens et esmerveiller les nostres. Ainsi pour reprendre mon propos, si vous demandez maintenant, Et toy et ton compagnon que faisiez-vous durant ceste escarmouche ? Ne combatiez-vous pas avec les sauvages ? je respon, pour n’en rien desguiser, qu’en nous contentans d’avoir fait ceste premiere folie de nous estre ainsi hazardez avec ces barbares, que nous tenans à l’arriere-garde nous avions seulement le passe-temps à juger des coups. Surquoy cependant je diray, qu’encores que j’aye souvent veu de la gendarmerie, tant de pied que de cheval, en ces pays par-deçà, que neantmoins je n’ay jamais eu tant de contentement en mon esprit, de voir les compagnies de gens de pied avec leurs morions dorez et armes luisantes, que j’eu lors de plaisir à voir combatre ces sauvages. Car outre le passe-temps qu’il y avoit de les voir sauter, siffler, et si dextrement et diligeamment manier en rond et en passade, encor faisoit-il merveilleusement bon voir non seulement tant de flesches, avec leurs grands empennons de plumes rouges, bleuës, vertes, incarnates et d’autres couleurs, voler en l’air parmi les rayons du soleil qui les faisoit estinceler : mais aussi tant de robbes, bonnets, bracelets et autres bagages faits aussi de ces plumes naturelles et naifves, dont les sauvages estoyent vestus.

Or apres que ceste escarmouche eut duré environ trois heures, et que d’une part et d’autre il y en eut beaucoup de blessez et de demeurez sur la place, nos Toüoupinambaoults, ayans finalement eu la victoire,