Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/67

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comme j’ay tantost dit, que c’estoyent gens issus de leurs ennemis mortels, ils delibererent de tout saccager. Et de fait, s’estans mis une nuict à la pratique de leur resolution, prenans ces pauvres gens au despourveu, ils en firent un tel carnage et une telle boucherie, que c’estoit une pitié la nompareille de les ouir crier. Plusieurs de nos François en estans advertis, environ minuict, partirent bien armez et s’en allerent dans une barque en grande diligence contre ce village, qui n’estoit qu’à quatre ou cinq lieuës de nostre fort. Mais avant qu’ils y fussent arrivez, nos sauvages, enragez et acharnez apres la proye, ayans mis le feu aux maisons pour faire sortir les personnes, en avoyent jà tant tuez que c’estoit presque fait. Mesmes j’ouy affermer à quelques-uns des nostres, estans de retour, que non seulement ils avoyent veus en pieces et en carbonnades plusieurs hommes et femmes sur les Boucans, mais qu’aussi les petits enfans à la mammelle y furent rostis tous entiers. Il y en eut neantmoins quelque petit nombre des grans, qui s’estans jettez en mer, et en faveur des tenebres de la nuict sauvez à nage, se vindrent rendre à nous en nostre Isle : dequoy cependant nos sauvages, quelques jours apres estans advertis, grondans entre leurs dents de ce que nous les retenions, n’en estoyent pas contens. Toutesfois apres qu’ils furent appaisez par quelque marchandise qu’on leur donna, moitié de force et moitié de gré, ils les laisserent esclaves à Villegagnon.

Une autresfois que quatre ou cinq François et moy estions en un village de la mesme grande Isle, nommée Piravi-jou où il y avoit un prisonnier beau et puissant jeune homme enferré de quelques fers que nos sauvages avoyent recouvré des Chrestiens, luy s’accostant