Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/69

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d’aller querir des farines et autres vivres, nous fusmes retournez en ce village, comme nous demandions aux sauvages le lieu où estoit le prisonnier que nous avions veu le jour precedent, il y en eut qui nous menerent en une maison, où nous vismes les pieces du corps du pauvre Antoni sur le boucan : mesmes parce qu’ils cognurent bien qu’ils nous avoyent trompez, en nous monstrant la teste, ils en firent une grande risée.

Semblablement nos sauvages ayans un jour surpris deux Portugallois, dans une petite maisonnette de terre, où ils estoyent dans les bois, pres de leur fort appelé Morpion : quoy qu’ils se defendissent vaillamment depuis le matin jusques au soir, mesmes qu’apres que leur munition d’harquebuses et traits d’arbalestes furent faillis, ils sortissent avec chacun une espée à deux mains, dequoy ils firent un tel eschec sur les assaillans, que beaucoup furent tuez et d’autres blessez : tant y a neantmoins que les sauvages s’opiniastrans de plus en plus, avec resolution de se faire plustost tous hacher en pieces que de se retirer sans veincre, ils prindrent enfin, et emmenerent prisonniers les deux Portugais : de la despouille desquels un sauvage me vendit quelques habits de buffles : comme aussi un de nos Truchemens en eut un plat d’argent qu’ils avoyent pillé, avec d’autres choses, dans la maison qui fut forcée, lequel, eux en ignorant la valeur, ne luy cousta que deux cousteaux. Ainsi estans de retour en leurs villages, apres que par ignominie ils eurent arraché la barbe à ces deux Portugais, ils les firent non seulement cruellement mourir, mais aussi parce que les pauvres gens ainsi affligez, sentans la douleur s’en plaignoyent, les sauvages se moquans d’eux leur disoyent, Et comment ? sera-il ainsi, que vous vous