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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/74

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de religion, ny en public ny en particulier chose quelle qu’elle soit. Semblablement ignorans la creation du monde, ils ne distinguent point les jours par noms, ny n’ont acception de l’un plus que de l’autre : comme aussi ils ne content sepmaines, mois, ni années, ains seulement nombrent et retiennent le temps par les Lunes. Quant à l’escriture, soit saincte ou prophane, non seulement aussi ils ne savent que c’est, mais qui plus est, n’ayans nuls characteres pour signifier quelque chose : quand du commencement que je fus en leur pays pour apprendre leur langage, j’escrivois quelques sentences leur lisant puis apres devant, eux estimans que cela fust une sorcelerie, disoyent l’un à l’autre : N’est-ce pas merveille que cestuy-cy qui n’eust sceu dire hier un mot en nostre langue, en vertu de ce papier qu’il tient, et qui le fait ainsi parler, soit maintenant entendu de nous ? Qui est la mesme opinion que les sauvages de l’Isle Espagnole avoyent des Espagnols qui y furent les premiers : car celuy qui en a escrit l’histoire dit ainsi, Les Indiens cognoissans que les Espagnols sans se voir ny parler l’un à l’autre, ains seulement en envoyant des lettres de lieu en lieu s’entendoyent, de ceste façon, croyoyent ou qu’ils avoyent l’esprit de prophetie, ou que les missives parloyent : De maniere, dit-il, que les sauvages craignans d’estre descouverts et surprins en faute, furent par ce moyen si bien retenus en leur devoir, qu’ils n’osoyent plus mentir ny desrober les Espagnols.

Parquoy, je di que, qui voudroit icy amplifier ceste matiere, il se presente un beau sujet, tant pour louër et exalter l’art d’escriture, que pour monstrer combien les nations qui habitent ces trois parties du monde, Europe, Asie, et Afrique ont de quoy louër Dieu par dessus les sauvages de ceste quatriesme