Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/75

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partie dite Amerique : car au lieu qu’eux ne se peuvent rien communiquer sinon verbalement : nous au contraire avons cest advantage, que sans bouger d’un lieu, par le moyen de l’escriture et des lettres que nous envoyons, nous pouvons declarer nos secrets à ceux qu’il nous plaist, et fussent-ils esloignez jusques au bout du monde. Ainsi outre les sciences que nous apprenons par les livres, desquels les sauvages sont semblablement du tout destituez, encore ceste invention d’escrire que nous avons, dont ils sont aussi entierement privez, doit estre mise au rang des dons singuliers, que les hommes de par deçà ont receu de Dieu.

Pour doncques retourner à nos Toüoupinambaoults, quand en devisant avec eux, et que cela venoit à propos, nous leur disions, que nous croiyons en un seul et souverain Dieu, Createur du monde, lequel comme il a fait le ciel et la terre, avec toutes les choses qui y sont contenues, gouverne et dispose aussi du tout comme il luy plaist : eux di-je, nous oyans reciter cest article, en se regardans l’un l’autre, usans de ceste interjection d’esbahissement, Teh ! qui leur est coustumiere, devenoyent tous estonnez. Et parce aussi, comme je diray plus au long, que quand ils entendent le tonnerre, qu’ils nomment Toupan, ils sont grandement effrayez : si nous accommodans à leur rudesse, prenions de là particulierement occasion de leur dire, que c’estoit le Dieu dont nous leur parlions, lequel pour monstrer sa grandeur et puissance, faisoit ainsi trembler ciel et terre : leur resolution et response à cela estoyent, que puisqu’il les espouvantoit de telle façon, qu’il ne valoit donc rien. Voila, choses deplorables, où en sont ces pauvres gens. Comment doncques, dira maintenant quelqu’un, se peut-il