Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/85

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fin, disoyent-ils, que l’esprit parlast puis apres dans icelles pour les dedier à cest usage, ils les faisoyent sonner à toute reste. Et ne vous les sçaurois mieux comparer, en l’estat qu’ils estoyent lors, qu’aux sonneurs de campanes de ces caphards, lesquels en abusant le pauvre monde de pardeça, portent de lieu en lieu les chasses de sainct Antoine, de sainct Bernard et autres tels instrumens d’idolatrie. Ce qu’outre la susdite description, je vous ay bien voulu encor representer par la figure suyvante, du danseur et du sonneur de Maraca.

Outre plus, ces Caraibes en s’avançans et sautans en devant, puis reculans en arriere, ne se tenoyent pas tousjours en une place comme faisoyent les autres : mesme j’observay qu’eux prenans souvent une canne de bois, longue de quatre à cinq pieds, au bout de laquelle il y avoit de l’herbe de Petun (dont j’ay fait mention autre part) seiche et allumée ; en se tournans et soufflans de toutes parts la fumée d’icelle sur les autres sauvages, ils leur disoyent, A fin que vous surmontiez vos ennemis, recevez tous l’esprit de force : et ainsi firent par plusieurs fois ces maistres Caraibes. Or ces ceremonies ayans ainsi duré pres de deux heures, ces cinq ou six cens hommes sauvages ne cessans tousjours de danser et chanter, il y eut une telle melodie qu’attendu qu’ils ne sçavent que c’est de musique, ceux qui ne les ont ouys ne croiroyent jamais qu’ils s’accordassent si bien. Et de faict, au lieu que du commencement de ce sabbat (estant comme j’ay dit en la maison des femmes), j’avois eu quelque crainte, j’eu lors en recompense une telle joye, que non seulement oyant les accords si bien mesurez d’une telle multitude, et sur tout pour la cadence et le refrein de la balade, à chacun couplet tous en traisnans leurs