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Page:Jean de Léry - Voyage au Brésil - Gaffarel vol 2, 1880.djvu/84

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comme ainsi soit que les maisons des sauvages soyent fort longues, et de façon rondes (comme vous diriez les treilles des jardins par-deçà) couvertes d’herbes qu’elles sont jusques contre terre : à fin de mieux voir à mon plaisir, je fis avec les mains un petit pertuis en la couverture. Ainsi faisant de là signe du doigt aux deux François qui me regardoyent, eux à mon exemple, s’estans enhardis et approchez sans empeschement ni difficulté, nous entrasmes tous trois dans ceste maison. Voyans doncques que les sauvages (comme le truchement estimoit) ne s’effarouchoyent point de nous, ains au contraire, tenans leurs rangs et leur ordre d’une façon admirable, continuoyent leurs chansons, en nous retirans tout bellement en un coin, nous les contemplasmes tout nostre saoul. Mais suivant ce que j’ay promis cidessus, quand j’ay parlé de leurs danses en leurs beuveries et caouinages, que je dirois aussi l’autre façon qu’ils ont de danser : à fin de les mieux representer, voici les morgues, gestes et contenances qu’ils tenoyent. Tous pres à pres l’un de l’autre, sans se tenir par la main ni sans se bouger d’une place, ains estans arrengez en rond, courbez sur le devant, guindans un peu le corps, remuans seulement la jambe et le pied droit, chacun ayant aussi la main dextre sur ses fesses, et le bras et la main gauche pendant, chantoyent et dansoyent de ceste façon. Et au surplus, parce qu’à cause de la multitude il y avoit trois rondeaux, y ayant au milieu d’un chacun trois ou quatre de ces Caraibes, richement parez de róbbes, bonnets et bracelets, faits de belles plumes naturelles, naifves et de diverses couleurs : tenans au reste en chacune de leurs mains un Maraca, c’est à dire sonnettes faites d’un fruict plus gros que œuf d’austruche, dont j’ay parlé ailleurs, à