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Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.3-1820.djvu/357

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J'obéis au destin qui change mon martyre,

Et sans élection, je suis, ce qui m'attire.

DIONYS

.

Donc il faut à l'envi bénir ce changement,

Il ne me reste pas un regret seulement ;

Mon coeur ne sent plus rien de ses premières peines,

Et vous n'y verriez pas les marques de ses chaînes :

Tous ses feux sont éteints, et j'ai tout oublié,

Sinon le seul dessein de vous être allié,

Vous ne vous plaindrai point, de mon humeur jalouse,

Et vous me plairez sœur, autant, et plus qu'épouse,

AMÉLIE

.

Va traître, indigne objet, d'une amitié si rare,

Le Tyran de mes maux, insensible barbare,

Qui fausses des serments, répétés si souvent,

Cœur sans cesse agité, faible jouet du vent,

Adore qui te plaît, offense-moi sans crainte,

Et trouve ton excuse en cette vaine feinte,

Ingrat, vois-moi pousser des soupirs superflus,

Sois vain de mes douleurs, et ne me parle plus,

Mais quoi ? Je ne tiens pas sa perte favorable ?

Je regrette un amant si peu considérable.

J'abandonne mon coeur à d'aveugles douleurs ;

Et je pleure un sujet indigne de mes pleurs ?

Non, non, je parais lâche, alors que je m'afflige,

Je gagne en te perdant, et ta haine m'oblige,

J'ai honte seulement des maux que j'ai soufferts,

Et je préfère ingrat ma franchise à tes fers,

Adieu, fais vanité de ma peine passée,

Mais ne me vois jamais, horreur de ma pensée.

Elle s'en veut aller.

DIONYS
à Érante