La chose est résolue, et la nature même
Souscrit à cet arrêt de ma fureur extrême ;
Outre qu'elle est muette où parle la raison,
Elle ne s'entend pas avec la trahison ; [265]
Au contraire, elle enseigne à repousser l'injure,
Et condamne surtout la fraude et la parjure.
Que doit plus la nature à mon frère qu'à moi,
Pour me lier les mains lorsqu'il me rompt sa foi,
Et pour vouloir que j'erre et que je me retire, [270]
Quand mon année arrive et m'appelle à l'empire ?
Quelle rage, bon dieu, vous occupe le sein ?
Ah ! Mon fils, étouffez ce damnable dessein :
Si votre ambition ne va qu'à la couronne,
Je dépouille pour vous l'éclat qui m'environne ; [275]
Venez prendre et donner un paisible repos
Sur le trône de Lerne ou sur celui d'Argos :
Là, monarque absolu, vous n'aurez point de frère
Qui vous rompe de pacte et qui vous soit contraire ;
Là, votre épouse et moi, devenus vois sujets, [280]
De nos fidèles soins appuierons vos projets ;
Et votre autorité n'y sera divisée
Par aucune puissance à la vôtre opposée.
Non, non, ne point régner, les dieux m'en sont témoins,
Est le ressentiment qui le touche le moins, [285]
Et jamais ma couronne, entre mes mains remise,
N'aurait d'autorité qui ne vous fut soumise.
Mais qu'un traître viole avec impunité