Sus, voyons quel effet obtiendront mes prières, [470]
Car mes commandements n'en obtiendront plus guère ;
Je n'avancerais rien en vous contredisant :
J'ordonnais autrefois, et je prie à présent.
À qui s'adresseront mes premières caresses ?
Tous deux également partagent mes tendresses : [475]
Celui-là fut absent ; mais si le pacte tient,
Celui-là le sera, puisque l'autre revient.
Ainsi je perds l'espoir de vous revoir ensemble;
Si ce n'est que la guerre encore vous assemble ;
L'heure de vous entrevoir ne vous est pas permis : [480]
Si vous ne vous fuyez, vous êtes ennemis :
Vous êtes divisés ou de cœur ou d'espace ;
La haine vous rapprochent et l'amitié vous chasse.
À Polynice.
Ça, mes premiers baisers s'adresseront à vous
Qu'une si longue absence a séparé de nous : [485]
Venez les recevoir d'une approche civile,
Et déchargez vos mains de ce fais inutile.
Eh ! Quel est cet abord ? Qu'il est peu gracieux !
Pourquoi sur votre frère attachez-vous les yeux ?
Je vous couvrirai tout, et pour vous faire outrage [490]
Il faudrait que par moi son fer se fit passage.
Chassez de votre esprit ce défiant souci;
Si ce n'est que ma foi soit suspecte aussi.
Ne désirez-vous point que je vous dissimule ?
Ma sûreté dépend de n'être plus crédule ; [495]
La nature n'a plus d'inviolables droits ;
Et son propre intérêt chacun a fait des lois ;
Et l'épreuve m'apprend que du pu artifice
Nature, son contraire, aujourd'hui fait office :