Enfin les dieux, mon fils, ont exaucé mes vœux ;
J'obtiens en ces baisers la faveur que je veux : [525]
Mais fasse leur bonté, fassent mes destinées
Que ce bonheur me dure encore quelques années !
Vous, faites-le, mon fils, puisque vous le pouvez,
Car il me durera si vous vous conservez :
Les bruits nous ont appris avec allégresse [530]
Et quel honnête accueil vous a reçu la Grèce :
Vous y vites Adraste et l'on dit qu'en sa cour
Vous avez fait un choix digne de votre amour.
Mais qui dans votre lit conduisit votre épouse ?
C'est un droit qu'on m'ôtait et dont je suis jalouse.. [535]
Vous songeâtes sans doute, en cette élection,
En quel lieu s'adressait votre inclination ;
Mais sûtes-vous juger que par cette alliance
Vous nous donniez sujet de juste défiance ?
Savez-vous sous quel joug cet hymen vous a mis ? [540]
De nos plus enragés et mortels ennemis,
Qui ne vous ont ouvert ni leur bras ni leur terre
Que pour avoir prétexte à nous faire la guerre.
Sur ce simple douaire ils vous ont accordé
Ce funeste parti plus tôt que demandé : [545]
Aussi portiez-vous trop, leur portant le semences
Des ces divisions et de ces violences :
Car quelle est cette guerre et quels sont ses objets ?
Vos parents, vos amis, vos pays, vos sujets :
C'est ce qu'on peut nomme votre parti contraire. [550]
De ce funeste hymen nous sommes le douaire ;
Encore suis-je obligée à vos mauvais desseins ;
Et j'aime cette guerre autant que je la crains,
Puisqu'elle m'a rendu le bien de votre vue,
Et que cette faveur lui devait être due. [555]