Si ce traître y peut voir le sceptre qu'il me nie,
Avant que de son corps son âme soit bannie,
Et s'il peut en mourant emporter avec soi [720]
Le regret de savoir que je survive roi. »
Là commence, l'approche, où l'ardeur les presse
Pratique aux premiers coups quelque art et quelque adresse :
Ils passent sans effet et d'une et d'autre part ;
Mais bientôt la fureur l'emporte dessus l'art : [725]
Chacun voulant porter, et chacun voulant rendre,
Quitte pour attaquer le soin de se défendre ;
Et tous deux, tout danger à leur rage soumis,
S'exposent aussi nus que s'ils étaient amis :
Mais après que, pareils de force et de courage, [730]
Ils ont gardé longtemps un égal avantage,
De Polynice enfin le sort guide le bras :
Il pousse un coup mortel qui porte l'autre à bas.
Et le ciel à ce crime a prêté sa lumière !
Le roi tombe, et son sang coule sur la poussière : [735]
Mais en sa chute encore sa haine se soutient,
Et son cœur veut encore éclore un espoir qu'il retient :
Couleur ni mouvement ne reste à son visage ;
Il semble que des sens il ait perdu l'usage :
Il le réserve tout pour un dernier effort, [740]
Et sait encore tromper dans les bras de la mort.
Polynice, ravi d'une fausse victoire
Dont bientôt sa défaite effacera la gloire,
Levant les mains au ciel, s'écrie à haute voix :
« Soyez bénis, ô dieux, juste juges des rois ! [745]
Thèbes, dessus ma tête apporte ta couronne ;