Scène IV
Certes, jamais le sort n'a sur humaine race
Tant versé pour un jour de peine et de disgrâce.
Jocaste défaite ! Ô destin inhumain !
Vous voyez en sa mort une œuvre de sa main :
Heureuse et douce mort, puisqu'elle a su par elle [790]
De celle de ses fils prévenir la nouvelle !
Voyez si ma constance a de quoi s'exercer ;
Mais ma peine ou ma vie enfin pourra cesser :
Cette raison au moins en mon mal ma conforte,
Que, s'il n'est supportable, il faudra qu'il m'emporte : [795]
Mais de grâce, seigneur, accordez aujourd'hui
Un peu de solitude à ce mortel ennui,
Et me prouvez la part que vous y daignez prendre,
En laissant à mes pleurs le temps de se répandre.
Je serais plus cruel que vos propres douleurs, [800]
Si je vous déniais la liberté des pleurs.
Adieu, mais trouvez bon qu'en ce malheur extrême
Je vous laisse vous-même à garder à vous-même :
Domptez de votre sort l'implacable courroux,
Et que votre vertu me réponde de vous. [805]
Il sort.