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Scène IV

Les mêmes, Hémon.


Hémon

Certes, jamais le sort n'a sur humaine race

Tant versé pour un jour de peine et de disgrâce.

Jocaste défaite ! Ô destin inhumain !

Antigone

Vous voyez en sa mort une œuvre de sa main :

Heureuse et douce mort, puisqu'elle a su par elle [790]

De celle de ses fils prévenir la nouvelle !

Voyez si ma constance a de quoi s'exercer ;

Mais ma peine ou ma vie enfin pourra cesser :

Cette raison au moins en mon mal ma conforte,

Que, s'il n'est supportable, il faudra qu'il m'emporte : [795]

Mais de grâce, seigneur, accordez aujourd'hui

Un peu de solitude à ce mortel ennui,

Et me prouvez la part que vous y daignez prendre,

En laissant à mes pleurs le temps de se répandre.

Hémon

Je serais plus cruel que vos propres douleurs, [800]

Si je vous déniais la liberté des pleurs.

Adieu, mais trouvez bon qu'en ce malheur extrême

Je vous laisse vous-même à garder à vous-même :

Domptez de votre sort l'implacable courroux,

Et que votre vertu me réponde de vous. [805]


Il sort.