Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.4-1820.djvu/57

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Considérez, ma sœur, que, restant sans défense,

Le pur rébus du sort et la même impuissance,

Filles, pour dire assez que nous ne pouvons rien,

Un peu d'abaissement aujourd'hui nous sied bien. [870]

Ce n'est pas qu'en effet notre soin se refuse ;

Le sang convie assez, mais la faiblesse excuse ;

Et déjà mon devoir s'en serait acquitté

S'il ne fallait céder à la nécessité.

Antigone

Quelque consentement que vous puissiez produire, [875]

Je vois qu'il pourrait moins me servir que me nuire :

Qui n'est pas assuré travaille mollement,

Et souvent détruit tout par le retardement :

Seul, on s'acquitte mieux d'une grande entreprise ;

Le travail s'affaiblit alors qu'il se divise ; [880]

Laissez-m'en donc le soin, et, sage à votre sens,

Rendez-vous à la force et prenez loi du temps.

Ismène

J'envie à ce grand cœur cette grande assurance ;

Mais pour les lois enfin j'ai plus de révérence.

Antigone

J'en aurais comme vous, mais j'en userais mieux, [885]

Et voudrais que les lois en eussent pour les dieux.

Ismène

Ah ! Que vous me causez une frayeur extrême !

Antigone

Ne m'épouvantez point, et tremblez pour vous-même.

Ismène

Soyez secrète au moins, comme je vous promets

Que par moi ce dessein ne se saura jamais. [890]

Antigone