ACTE V
Scène I
Qu'on l'égorge à mes yeux ! Ô vertu sans défense ! [1445]
Justice sans soutien, supplice sans offense !
Ô présage fatal pour un règne naissant,
De s'arroser de sang et de sang innocent !
Ô belles fleurs sans fruits, accords sans hyménée,
J'avais bien malgré vous senti ma destinée. [1450]
Et toi, mon cœur, et toi qui m'en as averti,
Je te crus justement, tu ne m'as point menti.
Qu'on l'égorge à mes yeux ! Ô barbare sentence
Contre la vertu même et la même innocence !
Souffriez-vous, mes yeux, ce spectacle exposé ? [1455]
Je vous arracherais si vous l'aviez osé :
Règne pernicieux ! Joug, certes, détestable,
Qui dès le premier jour presse tant qu'il accable !
Qu'attendra-t-on d'un roi de qui l'autorité
Se déclare d'abord contre la piété, [1460]
Rompt les lois d'hyménée et celles de nature,
Ôte aux vivants l'espoir, aux morts la sépulture ?