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Que la vieillesse souffre, et fait souffrir autrui :

Oyons les bon avis, qu'un flatteur lui conseille.

VENCESLAS

Prêtez-moi, Ladislas, le coeur, avec l'oreille,

J'attends toujours du temps, qu'il mûrisse le fruit

Que pour me succéder, ma couche m'a produit ; [10]

Et je croyais, mon fils, votre mère immortelle,

Par le reste qu'en vous, elle me laissa d'elle.

Mais, hélas ! Ce portrait qu'elle s'était tracé,

Perd beaucoup de son lustre, et s'est bien effacé,

Et vous considérant, moins je la vois paraître, [15]

Plus l'ennui de sa mort, commence à me renaître,

Toutes vos actions, démentent votre rang,

Je n'y vois rien d'auguste, et digne de mon sang ;

J'y cherche Ladislas, et ne le puis connaître,

Vous n'avez rien de Roi, que le désir de l'être ; [20]

Et ce désir (dit-on) peu discret, et trop prompt,

En souffre, avec ennui, le bandeau, sur son front.

Vous plaignez le travail, ou ce fardeau m'engage,

Et n'osant m'attaquer, vous attaquez mon âge ;

Je suis vieil, mais un fruit de ma vieille saison, [25]

Est d'en posséder mieux, la parfaite raison ;

Régner est un secret, dont la haute science,

Ne s'acquiert que par l'âge, et par l'expérience,

Un roi, vous semble heureux, et sa condition,

Est douce, au sentiment, de votre ambition ; [30]

Il dispose à son gré, des fortunes humaines ;

Mais, comme les douceurs, en saurez vous les peines :

À quelque heureuse fin, que tendent ses projets,

Jamais il ne fait bien, au gré de ses sujets ;