Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/193

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Il passe pour cruel, s'il garde la justice, [35]

S'il est doux, pour timide, et partisan du vice ;

S'il se porte à la guerre, il fait des malheureux ;

S'il entretient la paix, il n'est pas généreux ;

S'il pardonne, il est mol ; s'il se venge, il est barbare ;

S'il donne, il est prodigue ; et s'il épargne, avare ; [40]

Ses desseins les plus purs, et les plus innocents,

Toujours, en quelque esprit, jettent un mauvais sens ;

Et jamais sa vertu , (tant soit-elle connue)

En l'estime des siens, ne passe toute nue ;

Si donc, pour mériter, de régir ses États, [45]

La plus pure vertu, même, ne suffit pas.

Par quel heur voulez-vous, que le règne succède,

Le Prince tourne la tête et témoigne [de] s'emporter

À des esprits oisifs, que le vice possède ;

Lors de leurs voluptés, incapables d'agir,

Et qui cerfs de leurs sens, ne se sauraient régir ; [50]

Ici, mon seul respect, contient votre caprice ;

Mais examinez-vous, et rendez-vous justice ;

Pouvez-vous attenter, sur ceux, dont j'ai fait choix,

Pour soutenir mon trône, et dispenser mes lois ;

Sans blesser les respects, dûs à mon diadème, [55]

Et sans en même temps, attenter sur moi-même ?

Le Duc, par sa faveur, vous a blessé les yeux,

Et parce qu'il m'est cher, il vous est odieux :

Mais voyant d'un côté, sa splendeur non commune,

Voyez, par quels degrés, il monte à la fortune ; [60]

Songez, combien son bras, à mon trône affermi,

Et mon affection, vous fait son ennemi !

Encore, est-ce trop peu ; votre aveugle colère,

La hait en autrui même, et passe à votre frère ?

Votre jalouse humeur, ne lui saurait souffrir, [65]