Ce discours m'échappa, je ne le puis nier ;
Comment, dis-je, mon père accablé de tant d'âge, [155]
Et la force, à présent servant mal son courage,
Ne se décharge-t-il, avant qu'y succomber,
D'un pénible fardeau. Qui le fera tomber ?
Devrait-il, (me pouvant assurer sa couronne.)
Hasarder que l'État me l'ôte, ou me la donne ? [160]
Et s'il veut conserver, la qualité de roi,
La retiendrait-il pas, s'en dépouillant pour moi ?
Comme il fait murmurer, de l'âge qui l'accable,
Croit-il de ce fardeau ma jeunesse incapable ?
Et n'ai-je pas appris, sous son gouvernement, [165]
Assez de politique, et de raisonnement,
Pour savoir à quels soins, oblige un diadème ?
Ce qu'un roi, doit aux siens, à l'État, à soi-même ?
À ses confédérés, à la foi des traités,
Dedans quels intérêt, ses droits sont limités ; [170]
Quelle guerre est nuisible, et quelle d'importance
A qui, quand et comment, il doit son assistance ?
Et pour garder, enfin, ses États d'accidents,
Quel ordre, il doit tenir, et dehors et dedans ?
Ne sais-je pas qu'un roi, qui veut qu'on le révère, [175]
Doit mêler à propos, l'affable, et le sévère ?
Et selon l'exigence, et des temps, et des lieux,
Savoir faire parler, et son front, et ses yeux !
Mettre bien la franchise, et la feinte en usage,
Porter, tantôt, un masque, et tantôt un visage, [180]
Quelque avis, qu'on lui donne, être toujours pareil,
Et se croire, souvent, plus que tout son conseil ?
Mais surtout (et delà, dépend l'heur des couronnes)
Savoir bien appliquer, les emplois, aux personnes,
Et faire, par des choix, indicieux, et sains, [185]