Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/20

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Le ciel comme il lui plaît nous parle sans obstacle ;
S’il veut, la voix d’un songe est celle d’un oracle,
Et les songes, surtout tant de fois répétés,
Ou toujours, ou souvent, disent des vérités.
Déjà cinq ou six nuits à ma triste pensée,
Ont de ce vil hymen la vision tracée,
M’ont fait voir un berger avoir assez d’orgueil,
Pour prétendre à mon lit qui seroit mon cercueil ;
Et l’empereur mon père, avec violence,
De ce présomptueux appuyer l’insolence.
Je puis, s’il m’est permis, et si la vérité
Dispense les enfans à quelque liberté,
De sa mauvaise humeur craindre un mauvais office ;
Je connois son amour, mais je crains son caprice,
Et vois qu’en tout rencontre il suit aveuglément
La bouillante chaleur d’un premier mouvement.
Sut-il considérer, pour son propre hyménée,
Sous quel joug il baissoit sa tête couronnée,
Quand, empereur, il fit sa couche et son état
Le prix de quelques pains qu’il emprunta soldat,
Et, par une foiblesse à nulle autre seconde,
S’associa ma mère à l’empire du monde ?
Depuis, Rome souffrit, et ne réprouva pas
Qu’il commît un Alcide, au fardeau d’un Atlas,
Qu’on vît sur l’univers deux têtes souveraines,
Et que Maximien en partageât les rênes.
Mais pourquoi pour un seul tant de maîtres divers,
Et pourquoi quatre chefs au corps de l’univers ?
Le choix de Maximin et celui de Constance
Étoient-ils à l’état de si grande importance
Qu’il en dût recevoir beaucoup de fermeté,
Et ne pût subsister sans leur autorité ?