Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/227

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Laissez à mon amour taire un nom qui l'offense,

J'ai des respects encore plus forts que sa défense.

Et qui plus qu'aucun autre ont doit de me lier,

Tout précieux qu'il m'est, m'ordonnent d'oublier, [840]

Laissez-moi retirer d'un champ d'où ma retraite

Peut seule à l'ennemi dérober ma défaite.

ALEXANDRE

Ce silence obstiné m'apprend votre secret,

Mais il tombe en un sein, généreux et discret,

Ne me le celez plu, Duc, vous aimez Cassandre ; [845]

C'est le plus digne objet où vous puissiez prétendre ;

Et celui dont le Prince adorant son pouvoir

A le plus d'intérêt d'éloigner votre espoir ;

Traitant l'amour pour moi votre propre franchise

A donné de ses rets, et s'en trouve surprise ; [850]

Et mes desseins pour elle aux vôtres préférés

Sont ces puissants respects, à qui vous déférez :

Mais vous craignez à tort qu'un ami vous accuse

D'un crime, dont Cassandre est la cause et l'excuse ;

Quelque auguste ascendant qu'ai eut sur moi ses appas. [855]

LE DUC

Ne vous étonnée pour si je ne réponds pas ;

Ce discours me surprend, et cette indigne plainte

Me livre une si rude et si sensible atteinte,

Qu'égaré je me cherche, et demeure en suspends

Si c'est vous qui parlez, ou moi qui vous attends. [860]

Moi, vous trahir, Seigneur, moi, sur cette Cassandre

Près de qui je vous sers, pour moi-même entreprendre

Sur un amour si stable, et si bien affermi ;

Vous me croyez bien lâche, ou bien peu votre ami.

ALEXANDRE

Croiriez-vous l'adorant m'altérer votre estime. [865]

LE DUC