Que le seul souvenir m'en charme et me confond ; [810]
Mais quand je crois mon mal de secours incapable,
Sans vous le partager il suffit qu'il m'accable ;
Et c'est assez et trop qu'il fasse un malheureux,
Sans passer jusqu'à vous, et sans en faire deux.
L'ami qui souffre seul fait une injure à l'autre, [815]
Ma part de votre ennui diminuera la vôtre ;
Parlez, Duc, et sans peine ouvrez-moi vos secrets,
Hors de votre parti je n'ai plus d'intérêts ;
J'ai su que votre grande et dernière journée
Par la main de l'amour veut être couronnée ; [820]
Et que voulant au Roi qui vous en doit le prix
Déclarer la beauté qui charme vos esprits ;
D'un frère impétueux l'ordinaire insolence
Vous a fermé la bouche, et contraint au silence ;
Souffrez, sans expliquer l'intérêt qu'il y prend, [825]
Que j'en aille pour vous vider le différend ;
Et ne m'en faites point craindre les conséquences ;
Et Le Roi ne pouvant nous en faire raison
Je me trouve à servir le ardeurs qui vous pressent
Que j'apprenne du moins à qui vos voeux s'adressent. [830]
J'ai vu de vos bontés des effets assez grands
Sans vous faire avec lui de nouveaux différends,
Sans irriter sa haine, elle est assez aigrie.
Il est prince, Seigneur, respectons sa furie ;
À ma mauvaise étoile imputons mon ennui, [835]
Et croyons-en le sort plus coupable que lui.