Quel outrage, Madame, émeut votre colère ?
La fureur d'une soeur, pour l'intérêt d'un frère ;
Son tyrannique effort veut éblouir mes voeux,
Par le lustre d'un joug éclatant et pompeux ; [940]
On prétend m'aveugler avec un diadème,
Et l'on veut malgré moi que je règne, et que j'aime.
C'est l'ordre qu'on m'impose, où le Prince irrité
Abandonnant sa haine à son autorité,
Doit laisser aux neveux le plus tragique exemple, [945]
Et d'un mépris vengé la marque la plus ample
Dont le sort ait jamais son pouvoir signalé,
Et dont jusques ici les siècles aient parlé.
Voilà les compliments que l'amour leur suscite,
Et les tendes motifs dont on me sollicite. [950]
Rendez, rendez le calme à vos charmants appas ;
Laissez gronder la foudre, il ne tombera pas ;
Ou l'artisan des maux que le sort vous destine
Tombera le premier dessous votre ruine ;
Fondez votre repos en me faisant heureux, [955]
Coupons dès cette nuit tout accès à ses voeux,
Et voyez sans frayeur, quoiqu'il ose entreprendre,
Quand vous m'aurez commis une femme à défendre,
Et quand ouvertement, en qualité d'époux,
Mon devoir m'enjoindra de répondre de vous. [960]
Prévenez dès ce soir l'ardeur qui le transporte.
Aux desseins importants la diligence importe.