Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/233

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Qu'ils vous doivent donner des titres éminents :

Rien ne relève tant l'éclat de ce visage ; [985]

Ou vous n'en mettez pas tous les traits en usage.

Vos yeux ces beaux charmeurs, avec tous leurs appas

Ne sont point accusez de tant d'assassinats.

Le joug que vous croyez tomber sur tant de têtes

Ne porte point si loin le bruit de vos conquêtes, [990]

Hors un seul, dont le coeur se donne à trop bon prix :

Votre empire s'étend sur peu d'autres esprits.

Pour moi qui suis facile, et qui bientôt me blesse,

Votre beauté m'a plu, j'avouerai ma faiblesse,

Et m'a coûté des soins, des devoirs et des pas, [995]

Mais du dessein , je crois, que vous n'en doutez pas :

Vous avez eu raison de ne vous pas promettre

Un hymen que mon rang ne me pouvait permettre.

L'intérêt de l'État qui doit régler mon sort,

Avec que mon amour, n'en était pas d'accord : [1000]

Avec tous mes efforts j'ai manqué de fortune,

Vous m'avez résisté la gloire en est commune :

Si contre vos refus j'eusse cru mon pouvoir,

Un facile succès eut suivi mon espoir :

Dérobant ma conquête elle m'était certaine, [1005]

Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valut la peine :

Et bien moins de vous mettre au rang où je prétends,

Et de vous partager le sceptre que j'attends.

Voilà toute l'amour que vous m'avez causée,

Si vous en croyez plus, soyez désabusée, [1010]

Votre mépris enfin m'en produit un commun ;

Je n'ai plus résolu de vous être importun :

J'ai perdu le désir avec l'espérance,

Et pour vous témoigner de quelle indifférence

J'abandonne un plaisir que j'ai tant poursuivi, [1015]