Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/25

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Dont vous ayez couvert le défaut de mon sang,
Quoi que l’on dissimule, on pourra toujours dire,
Qu’un berger est assis au trône de l’empire,
Qu’autrefois mes palais ont été des hameaux,
Que qui gouverne Rome a conduit des troupeaux,
Que pour prendre le fer j’ai quitté la houlette ;
Et qu’enfin votre ouvrage est une œuvre imparfaite.
Puis-je, avec ce défaut non encor réparé,
M’approcher d’un objet digne d’être adoré,
Espérer de ses vœux les glorieuses marques,
Prétendre d’étouffer l’espoir de cent monarques,
Passer ma propre attente, et me faire des dieux,
Sinon des ennemis, au moins des envieux ?

DIOCLÉTIEN.

Suffit que c’est mon choix, et que j’ai connoissance
Et de votre personne et de votre naissance,
Et que si l’une enfin n’admet un rang si haut,
L’autre par sa vertu répare son défaut,
Supplée à la nature, élève sa bassesse,
Se reproduit soi-même et forme sa noblesse.
À combien de bergers les Grecs et les Romains
Ont-ils pour leur vertu vu des sceptres aux mains ?
L’histoire, des grands cœurs, la plus chère espérance,
Que le temps traite seule avecque révérence,
Qui ne redoutant rien ne peut rien respecter,
Qui se produit sans fard et parle sans flatter,
N’a-t-elle pas cent fois publié la louange
De gens que leur mérite a tirés de la fange,
Qui par leur industrie ont leurs noms éclaircis,
Et sont montés au rang où nous sommes assis ?
Cyrus, Sémiramis sa fameuse adversaire,
Noms, qu’encor aujourd’hui la mémoire révère,