Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/252

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Vengez-moi, vengez-vous, et vengez un époux,

Que veuve, avant l'hymen, je pleure à vos genoux ; [1380]

Mais apprenant, grand Roi, cet accident sinistre,

Hélas ! En pourriez-vous soupçonner le ministre !

Oui, votre sang suffit, pour vous en faire foi :


Montrant le Prince.


Il s'émeut, il vous parle, et pour, et contre soi ;

Et par un sentiment, ensemble horrible et tendre, [1385]

Vous dit, que Ladislas, est meurtrier d'Alexandre :

Ce geste, encore, Seigneur, ce maintien interdit,

Ce visage effrayé, ce silence le dit ;

Et plus que tout, enfin. Cette main encore teinte

De ce sang précieux, qui fait naître ma plainte ; [1390]

Quel des deux sur vos sens, fera le plus d'effort,

De votre fils meurtrier, ou de votre fils mort ?

Si vous étiez si faible, et votre sang si tendre,

Qu'on l'eut impunément, commencé de répandre ;

Peut être verriez-vous, la main qui l'a versé, [1395]

Attenter sur celui, qu'elle vous a laissé ;

D'assassin de son frère, il peut être le vôtre,

Un crime pourrait bien, être un essai de l'autre ;

Ainsi, que les vertus, les crimes enchaînés,

Sont toujours, ou souvent, l'un par l'autre traînés : [1400]

Craignez de hasarder, pour être trop auguste,

Et le trône, et la vie, et le titre de juste ;

Si mes vives douleurs ne vous peuvent toucher,

Ni la perte d'un fils qui vous était si cher :

Ni l'horrible penser du coup qui voua la coûte, [1405]

Voyez, voyez le sang dont ce poignard dégoûte ;

Et s'il ne vous émeut, sachez où l'on l'a pris,

Votre fils l'a tiré du sang de votre fils ;