Scène II.
Dieux ! comment en ce lieu faire la Comédie ?
De combien d’importuns j’ai la tête étourdie !
Combien à les ouïr je fais de languissans !
Par combien d’attentats j’entreprends sur les sens !
Ma voix rendroit les bois et les rochers sensibles ;
Mes plus simples regards sont des meurtres visibles ;
Je foule autant de cœurs que je marche de pas ;
La troupe, en me perdant, perdroit tous ses appas ;
Enfin, s’ils disent vrai, j’ai lieu d’être bien vaine.
De ces faux courtisans, toute ma loge est pleine ;
Et, lasse au dernier point d’entendre leurs douceurs,
Je les en ai laissés absolus possesseurs.
Je crains plus que la mort cette engeance idolâtre
De lutins importuns qu’engendre le théâtre,
Et que la qualité de la profession
Nous oblige à souffrir avec discrétion.
Outre le vieil usage où nous trouvons le monde,
Les vanités encor dont votre sexe abonde,
Vous font avec plaisir supporter cet ennui,
Par qui tout votre temps devient le temps d’autrui.
Avez-vous repassé cet endroit pathétique
Où Flavie en sortant vous donne la réplique,
Et vous souvenez-vous qu’il s’y faut exciter ?