Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/387

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N'attends point de succès, ô prière importune !

Je ne suis plus maîtresse, où règne la fortune ; [1010]

L'amour n'a plus d'Empire, où l'intérêt en prend,

Ne considérez rien, l'État vous le défend ;

Il lui faut immoler, toute votre famille,

Du moins, avec la mère, il faut perdre la fille ;

Nous ne sommes qu'un sang, et un coeur séparé, [1015]

Je pourrais achever, ce qu'elle a préparé,

D'un frère contre vous, épouser la querelle,

Dedans votre débris, m'intéresser comme elle ;

Saper les fondements de votre autorité,

Et renverser le trône, où vous êtes monté. [1020]

Si ces yeux vous ont plu, gardez que de leurs charmes,

Contre votre pouvoir, je ne fasse des armes,

Et n'en achète l'offre, et d'un coeur, et d'un bras

Qui m'osent immoler vos jours, et vos États,

Prévenez, sans égard, tout ce qui vous peut nuire, [1025]

Averti, détruisez ce qui vous peut détruire,

Craignez l'aveuglement, d'un amour irrité,

Et ne considérez, que votre sûreté.

Voudriez-vous m'obliger, d'aimer mon adversaire,

Souffrirai-je en mon lit, l'assassin de ma mère ? [1030]

Pourrais-je sans horreur, avec son ennemi,

Partager un pouvoir, par son sang affermi ?

Gardes, emmenez-moi, son salut vous l'ordonne,

Sauvez de ma fureur, sa vie, et sa couronne ;

Hélas ! à quoi, Nature, obligent tes respects, [1035]

Qu'il faille à mon amant, rendre mes voeux suspects !

Et pour en obtenir, ou ma perte, ou ta grâce,

Contre ce que j'adore, employer la menace ?

Par ces transports, Seigneur, jugez de mes douleurs,