Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ne peut durer au plus que le cours de sa vie ;
De celle de ton Dieu, non plus que de ses jours,
Jamais nul accident ne bornera le cours :
Déjà de ce tyran la puissance irritée,
Si ton zèle te dure, a ta perte arrêtée.
Il seroit, Adrien, honteux d’être vaincu ;
Si ton Dieu veut ta mort, c’est déjà trop vécu.
J’ai vu, ciel, tu le sais par le nombre des âmes
Que j’osai t’envoyer par des chemins de flammes,
Dessus les grils ardens et dedans les taureaux,
Chanter les condamnés et trembler les bourreaux ;
J’ai vu tendre aux enfans une gorge assurée
À la sanglante mort qu’ils voyoient préparée,
Et tomber sous le coup d’un trépas glorieux,
Ces fruits à peine éclos déjà mûrs pour les cieux ;
J’en ai vu que le temps prescrit par la nature
Étoit prêt de pousser dedans la sépulture,
Dessus les échafauds presser ce dernier pas,
Et d’un jeune courage affronter le trépas.
J’ai vu mille beautés en la fleur de leur âge,
À qui jusqu’aux tyrans chacun rendoit hommage,
Voir avecque plaisir meurtris et déchirés
Leurs membres précieux de tant d’yeux adorés.
Vous l’avez vu, mes yeux, et vous craindriez sans honte,
Ce que tout sexe brave et que tout âge affronte !
Cette vigueur peut-être est un effort humain.
Non, non, cette vertu, Seigneur, vient de ta main ;
L’âme la puise au lieu de sa propre origine,
Et, comme les effets, la source en est divine.
C’est du ciel que me vient cette noble vigueur
Qui me fait des tourmens mépriser la rigueur,
Qui me fait défier les puissances humaines,