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Et qui fait que mon sang se déplaît dans mes veines,
Qu’il brûle d’arroser cet arbre précieux,
Où pend pour nous le fruit le plus chéri des cieux.
J’ai peine à concevoir ce changement extrême,
Et sens que, différent et plus fort que moi-même,
J’ignore toute crainte, et puis voir sans terreur,
La face de la mort en sa plus noire horreur.
Un seul bien que je perds, la seule Natalie,
Qu’à mon sort un saint joug heureusement allie,
Et qui de ce saint zèle ignore le secret,
Parmi tant de ferveur mêle quelque regret.
Mais que j’ai peu de cœur, si ce penser me touche !
Si proche de la mort, j’ai l’amour en la bouche !



Scène VI.

Les mêmes ; FLAVIE, représenté par SERGESTE, deux Gardes.
FLAVIE.

Je crois, cher Adrien, que vous n’ignorez pas
Quel important sujet adresse ici mes pas ;
Toute la cour en trouble attend d’être éclaircie
D’un bruit dont au palais votre estime est noircie,
Et que vous confirmez par votre éloignement :
Chacun selon son sens en croit diversement ;
Les uns, que pour railler, cette erreur s’est semée,
D’autres, que quelque sort a votre âme charmée,
D’autres, que le venin de ces lieux infectés
Contre votre raison a vos sens révoltés ;
Mais surtout de César la croyance incertaine,
Ne peut où s’arrêter, ni s’asseoir qu’avec peine.