Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/50

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Oui, ces chaînes, César, ces fardeaux glorieux,
Sont aux bras d’un chrétien des présens précieux ;
Devant nous ce cher maître en eut les mains chargées,
Au feu de son amour, il nous les a forgées ;
Loin de nous accabler, leur faix est notre appui,
Et c’est par ces chaînons qu’il nous attire à lui.

MAXIMIN.

Dieux ! à qui pourrons-nous nous confier sans crainte,
Et de qui nous promettre une amitié sans feinte,
De ceux que la fortune attache à nos côtés,
De ceux que nous avons acquis moins qu’achetés,
Qui sous des fronts soumis cachent des cœurs rebelles,
Que par trop de crédit nous rendons infidèles ?
Ô dure cruauté du destin de la cour,
De ne pouvoir souffrir d’inviolable amour,
De franchise sans fard, de vertu qu’offusquée,
De devoir que contraint, ni de foi que masquée !
Qu’entreprends-je, chétif en ces lieux écartés,
Où, lieutenant des dieux justement irrités,
Je fais d’un bras vengeur éclater les tempêtes,
Et poursuis des chrétiens les sacrilèges têtes,
Si, tandis que j’en prends un inutile soin,
Je vois naître chez moi ce que je fuis si loin ?
Ce que j’extirpe ici dans ma cour prend racine,
J’élève auprès de moi ce qu’ailleurs j’extermine.
Ainsi notre fortune, avec tout son éclat,
Ne peut, quoi qu’elle fasse, acheter un ingrat.

ADRIEN.

Pour croire un Dieu, seigneur, la liberté de croire
Est-elle en votre estime une action si noire,
Si digne de l’excès où vous vous emportez,
Et se peut-il souffrir de moindres libertés ?