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Qu’il n’est amour ni vie en ce terrestre lieu,
Et qu’on ne peut s’aimer ni vivre qu’avec Dieu.

NATALIE l’embrassant.

Oh ! d’un Dieu tout puissant merveilles souveraines !
Laisse-moi, cher époux, prendre part en tes chaînes ;
Et, si ni notre hymen ni ma chaste amitié,
Ne m’ont assez acquis le nom de ta moitié,
Permets que l’alliance enfin s’en accomplisse,
Et que Christ de ces fers aujourd’hui nous unisse ;
Crois qu’ils seront pour moi d’indissolubles nœuds
Dont l’étreinte en toi seul saura borner mes vœux.

ADRIEN.

Ô Ciel ! ô Natalie ! ah ! douce et sainte flamme,
Je rallume mes feux et reconnois ma femme.
Puisqu’au chemin du ciel tu veux suivre mes pas,
Sois mienne, chère épouse, au-delà du trépas ;
Que mes vœux, que ta foi… Mais, tire-moi de peine :
Ne me flatté-je point d’une créance vaine ?
D’où te vient le beau feu qui t’échauffe le sein ?
Et quand as-tu conçu ce généreux dessein ?
Par quel heureux motif…

NATALIE.

Par quel heureux motif…Je te vais satisfaire :
Il me fut inspiré presque aux flancs de ma mère ;
Et presque en même instant le ciel versa sur moi
La lumière du jour et celle de la foi.
Il fit qu’avec le lait, pendante à la mamelle,
Je suçai des chrétiens la créance et le zèle ;
Et ce zèle avec moi crût jusqu’à l’heureux jour
Que mes yeux sans dessein m’acquirent ton amour.