Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/66

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Mais quand ce spectre affreux sous un front inhumain,
Les tenailles, les feux, les haches à la main,
Commence à nous paroître et faire ses approches ;
Pour ne s’effrayer pas il faut être des roches ;
Et notre repentir, en cette occasion,
S’il n’est vain, pour le moins tourne à confusion.

ADRIEN.

J’ai contre les chrétiens servi longtemps vos haines,
Et j’appris leur constance en ordonnant leurs peines.
Mais avant que César ait prononcé l’arrêt
Dont l’exécution me trouvera tout prêt,
Souffrez que d’un adieu j’acquitte ma promesse
À la chère moitié que Dieu veut que je laisse :
Et que pour dernier fruit de notre chaste amour,
Je prenne congé d’elle en le prenant du jour.

FLAVIE.

Allons, la piété m’oblige à te complaire ;
Mais ce retardement aigrira sa colère.

ADRIEN.

Le temps en sera court, devancez-moi d’un pas.

FLAVIE.

Marchons, le zèle ardent qu’il porte à son trépas
Nous est de sa personne une assez sûre garde.

UN GARDE.

Qui croit un prisonnier toutefois le hasarde.

ADRIEN.

Mon ardeur et ma foi me gardent sûrement ;
N’avancez rien qu’un pas, je ne veux qu’un moment.
(Flavie et les gardes sortent.)
Ma chère Natalie, avec quelle allégresse
Verras-tu ma visite acquitter ma promesse !