Page:Jean de Rotrou-Oeuvres Vol.5-1820.djvu/77

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Mon bonheur consistoit à les persécuter :
Pour les fuir et chez vous suivre l’idolâtrie,
J’ai laissé mes parens, j’ai quitté ma patrie,
Et fait choix à dessein d’un art peu glorieux,
Pour mieux les diffamer et les rendre odieux :
Mais par une bonté qui n’a point de pareille,
Et par une incroyable et soudaine merveille,
Dont le pouvoir d’un Dieu peut seul être l’auteur,
Je deviens leur rival de leur persécuteur,
Et soumets à la loi que j’ai tant réprouvée,
Une âme heureusement de tant d’écueils sauvée :
Au milieu de l’orage où m’exposoit le sort,
Un ange par la main m’a conduit dans le port,
M’a fait sur un papier voir mes fautes passées,
Par l’eau qu’il me versoit à l’instant effacées ;
Et cette salutaire et céleste liqueur,
Loin de me refroidir m’a consumé le cœur.
Je renonce à la haine et déteste l’envie
Qui m’a fait des chrétiens persécuter la vie ;
Leur créance est ma foi, leur espoir est le mien ;
C’est leur Dieu que j’adore ; enfin je suis chrétien.
Quelque effort qui s’oppose à l’ardeur qui m’enflamme,
Les intérêts du corps cèdent à ceux de l’âme ;
Déployez vos rigueurs, brûlez, coupez, tranchez,
Mes maux seront encor moindres que mes péchés.
Je sais de quel repos cette peine est suivie,
Et ne crains point la mort qui conduit à la vie.
J’ai souhaité long-temps d’agréer à vos yeux ;
Aujourd’hui je veux plaire à l’empereur des cieux ;
Je vous ai divertis, j’ai chanté vos louanges ;
Il est temps maintenant de réjouir les anges ;
Il est temps de prétendre à des prix immortels,