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co referens — une dame voilée se présenta au bureau de l’entrepreneur et demanda au garçon si elle pouvait parler confidentiellement à M. Philias Duval.

Le boy lui fit signe d’attendre et alla prévenir Duval qui était justement occupé à compiler des comptes relatifs à la French Canadian Aerial Navigation Co. (Limited).

Philias n’était pas habitué de recevoir la visite de personnes du sexe, aussi n’en fut-il pas légèrement étonné. Il se leva, jeta un regard dans un miroir pour voir si sa tenue était convenable (ceci est permis même à un entrepreneur ayant toute sa vie fait dans la pierre), puis il se dirigea vers la dame, lui fit une courtoise révérence et la pria de pénétrer dans son bureau et de prendre un siège à côté du sien.

« Monsieur, lui dit la dame lorsqu’elle fut assise, je sais que ma figure vous est inconnue et pour cette raison mes traits ne peuvent éveiller en votre mémoire aucun souvenir. Cependant, sachez, Monsieur, que je suis l’épouse d’un homme que vous connaissez, homme dont la réputation grandit chaque jour et qu’il me tarde de presser sur mon cœur.

Philias Duval, que cette harangue avait complètement stupéfié, se demandait s’il n’avait pas affaire à une hallucinée, lorsque soudain un bruit de voix vint lui fermer la bouche qu’il ouvrait pour parler.

Une voix criait :

« Eh ! Philias, éiousque t’es ?

Une autre voix ajouta :

« Nous v’là, c’est nous autres !

Ces derniers mots étaient à peine prononcés que la dame poussa un cri et courant à la porte elle l’ouvrit et recula stupéfiée.

Alors deux cris se croisèrent, un de joie, l’autre de terreur :

« Mon Titoine !

« Philomène !

Pelquier — car c’était lui — en apercevant Philomène Tranchemontagne (de Shawinigan), se retourna subito presto, voulut prendre la fuite mais ne le put pas, sa suave épouse s’était jetée à plat ventre et lui ayant entouré les jambes de ses bras enlacés :

« Titoine, disait-elle, peux-tu rester insensible à mes larmes, les accents de ma douleur ne toucheraient-ils pas ton cœur ?