Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 1, 1877.djvu/3

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INTRODUCTION.

et la mystérieuse action d’une âme éminemment sacerdotale. On aura beau chercher ailleurs ; il n’existe pas d’autre puissance de guérison. Que les empiriques parlent tant qu’ils voudront de relèvement national ou de réforme sociale. Une nation, une société ne se régénèrent pas avec des mots pompeux ou des phrases sonores ; elles se régénèrent uniquement par la vertu. A toutes les époques, à tous les degrés de civilisation ou de barbarie, les saints furent toujours les seuls vrais médecins du monde ; et la féconde activité des saints, quand les dévouements du sacerdoce ont surtout brillé des rayonnements du génie, ne s’arrête pas à la mort.

En faisant passer dans notre langue, autant du moins qu’il était en mon pouvoir, les admirables discours de saint Jean Chrysostome^ ses éloquents traités, ses lettres plus éloquentes peut-être, toutes les manifestations de sa pensée, tant d’œuvres où son âme éclate à chaque instant d’une manière si forte et si suave, dans ce labeur de plusieurs années, c’est cette âme elle-même que j’eusse voulu saisir pour la placer devant mon siècle. Je ne connais rien de pur, d’énergique, de noble, de généreux et d’aimant comme Tâme de hrysostome. Les combats qu’elle eut à soutenir, les ardents enthousiasmes et les implacables jalousies qu’elle excita, l’amour des peuples et la haine des grands, un zèle invincible à toutes les persécutions, une modestie supérieure à tous les triomphes, une charité survivant à toutes les ingratitudes, d’incomparables revers après des succès incomparables, le bonheur et le malheur portés avec un égal héroïsme, de sublimes enseignements, d’éminents services, récompensés par un double exil et par un long martyre : tout concourt à nous montrer cette âme plus grande que son génie même, à lui donner une mission de salut auprès d’une génération comme la nôtre. Non, ce qui m’avait d’abord attiré, ce qui m’a si longtemps soutenu dans cette rude tâche, ce n’est au fond ni l’éclat des pensées ni la beauté du langage ; ce n’est pas même le tableau de Tune des plus lumineuses phases de l’humanité, se résumant dans un homme. Je n’ai jamais compris ce qu’on appelle l’art pour l’art, la science pour la science, des théories sans application, des études purement platoniques. En me plongeant dans le passé, je ne perds pas de vue l’époque actuelle.

II.

Après avoir interprété le plus éloquent des Pères grecs, dans la totalité de ses œuvres, je donne aujourd’hui pour pendant à ce travail les œuvres également complètes du plus savent des Pères latins. Mes aspirations sont demeurées les mêmes ; observez, je vous prie, que je n’ai pas dit mes espérances : j’ai voulu transporter un second foyer de lumière