Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 8, 1879.djvu/546

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vous n’avez point nourrie, qui est née en une nuit et a péri après une nuit ; et moi je ne ferais pas miséricorde à la grande ville de Ninive, où demeurent plus de douze myriades d’hommes qui ne savent pas discerner la droite de la gauche, et de nombreuses brebis ? » Il est de la dernière difficulté d’expliquer comment, selon le sens mystique, il est dit au Fils : « Vous vous affligez sur ce lierre, qui est venu sans vous et que vous n’avez point fait croire, alors que toutes choses ont été faites par lui et que rien n’a été fait sans lui. Jn. 1, 3. Aussi s’est-il trouvé un interprète de ce passage qui, pour résoudre cette question pendante, est tombé dans un blasphème. S’emparant de cette parole de l’Évangile : « Pourquoi m’appelez-vous bon ? il n’y a de bon que Dieu seul », Mrc. 10, 18, il a l’apporté la bonté infinie au Père, plaçant le Fils à un degré inférieur en comparaison du Père parfaitement et vraiment bon. Ce disant à son insu, il est tombé dans l’hérésie de Marcion, qui veut qu’il y ait un, Dieu exclusivement bon, et un autre juge et créateur, plutôt que dans celle d’Arius, qui, tout en proclamant le Père plus grand que le Fils, ne nie pas cependant le Fils comme créateur. On doit donc montrer de l’indulgence pour ce que je vais dire, et mes efforts doivent rencontrer la bienveillance et le secours de prières, plutôt que le dédain et des oreilles rebelles ; critiquer et médire, les ignorants mêmes le peuvent, tandis qu’il est des hommes de science qui ont connu les sueurs du travail, ou de tendre la main à ceux qui sont las, ou de montrer le chemin aux égarés. Notre-Seigneur et Sauveur n’a pas travaillé pour Israël comme pour le peuple des Gentils. Israël dit avec assurance : « Voilà que, depuis tant d’années que je vous sers, je n’ai jamais transgressé vos ordres, et vous ne m’avez jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis ; mais, dès que votre fils, qui a consumé tout son héritage avec des courtisanes, est venu, vous avez fait tuer le veau gras pour lui ; Luc. 15, 29-30, et cependant ce père, au lieu de le repousser, lui dit avec bonté : « Mon fils, vous êtes toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à vous ; mais il fallait un festin et vous deviez vous réjouir, parce que votre frère étant mort, il est ressuscité, et qu’étant perdu, il est retrouvé. » Ibid. 31, 32. C’est pour le peuple des Gentils qu’a été immolé le veau gras, et qu’a été répandu ce précieux sang, au sujet duquel Paul discute à fond dans son épître aux Hébreux. Heb. 10, 1. seqq. À son tour, David a dit dans le psaume : « Le frère ne rachète point son frère ; l’homme étranger le rachètera. » Psa. 48, 8. Jésus-Christ a décidé que le peuple des Gentils croîtrait, et il est mort afin que le peuple des Gentils vécût ; il est descendu aux enfers, pour que ce peuple montât aux cieux. Pour Israël, rien de tout cela n’a été fait. Aussi porte-t-il