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Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/135

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où son élan l’emporte, est comparé, ce me semble, aux hannetons, petits insectes qui pullulent à l’infini et qui semblent s’élever quelque peu au-dessus de la terre. Par attelabe, qualifié en grec de συμμίχτός et en latin de commistices, nous pouvons entendre une vile populace formée de toutes parts de gens des autres nations, c’est-à-dire d’étrangers et non de citoyens. C’est ainsi que l’Écriture raconte qu’au peuple d’Israël qui sortait d’Égypte, se mêlèrent un grand nombre de commistices, c’est-à-dire des Égyptiens, des Éthiopiens et gens d’autres nations. Ici, la population flottante de Ninive est comparée à la sauterelle, qui, ne pouvant voler au temps froid, se fixe sur une haie, et plus tard, au retour du soleil et quand ses rayons l’ont chauffée, abandonne ce lieu et, s’envolant vers d’autres régions, ne se souvient plus de la haie sur laquelle elle s’était établie. Cette paraphrase était nécessaire tout d’abord, pour qu’on pût entendre plus aisément le langage du prophète. Au reste, on ne peut hésiter à comparer aux sauterelles la multitude des hommes qui suit la voie large et vit de la vie du monde, quand on les voit, tout adonnés qu’ils sont aux œuvres de la terre, sauter de côté et d’autre au gré de leur esprit léger, sans pouvoir s’élever vers les hautes pensées. Qu’on jette les yeux sur Rome, sur Constantinople qui s’est dépouillée de son ancienne pauvreté en quittant son nom d’autre fois, sur Alexandrie capitale de l’Égypte, et quand on verra, ou à cause de la disette de vivres, ou – je rougis de honte à le dire – pour des cochers, des mimes et des histrions, s’élever une sédition, la populace se ruer comme un nuage de sauterelles, et tout entière esclave de ses passions, avec sa mobilité ordinaire, voltiger, pour ainsi dire, en tous sens au gré de sa pensée changeante, on pourra s’écrier avec vérité : « Le hanneton s’en est allô et s’est envolé avec impétuosité. » Dans ce qui suit : « L’attelabe mêlé à votre peuple a bondi hors de vous comme là sauterelle », l’attelabe me semble différer du hanneton, en ce que celui-ci est l’image de la multitude ignorante et innombrable, tandis que les attelabes sont des gens de peuples divers qui sont venus de toutes parts se mêler à elle. De même qu’il y a dans une ville, les citoyens de cette ville et des étrangers à qui il plaît d’habiter une autre ville que la leur, de même cette population flottante qui habite Ninive, ce sont ceux qui ont d’eux-mêmes l’opinion qu’ils suivent quelques enseignements de la vérité. Ils se croient ainsi meilleurs que le hanneton, en ce que toute la destinée de celui-ci l’attache à la terre, parce qu’il n’a pas d’aile, et à la servitude du ventre, dans la recherche des aliments, tandis que l’attelabe prend des ailes, petites sans doute et qui ne lui permettent pas de voler haut, mais sur lesquelles du moins il s’efforce de se soulever au-dessus de la terre ; puis