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Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/154

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attesté déjà ; il joue le rôle de l’impatience humaine. C’est ainsi que nous voyons fréquemment l’Apôtre se faire l’interprète de divers sentiments des hommes, et dire, par exemple : « Je sens dans les membres de mon corps une autre loi qui combat contre la loi de mon esprit, et qui me tient captif sous la loi du péché qui est dans les membres de mon corps ; » [1] ; et comme s’il était sans sagesse : « Non, mes frères, je ne pense point être encore arrivé au but. » [2]… « Ce que nous avons maintenant de science et de prophétie est très imparfait ; » [3] ; et puis, comme s’il avait la perfection : « Donc, tant que nous sommes parfaits, soyons dans ce sentiment », [4], alors qu’il n’appartient pas évidemment au même homme de dire : Ce que j’ai de science est imparfait, et de dire : Je suis parfait. L’apôtre avait donc accoutumé d’agir de la sorte, et l’on ne pourra croire que je l’ai mis en avant dans l’intérêt de mon argumentation, devant ce qu’il dit aux Corinthiens : « Mes frères, j’ai personnifié ces choses en moi et Apollon à cause de vous, afin que notre exemple vous apprenne. » [5]. Comment du reste se pourrait-il que Dieu regardât du même œil les hommes et les poissons de la mer ou les reptiles qui n’ont pas de prince, quand les anges de chacun de nous voient chaque jour la face du Père qui est dans les cieux, [6] et que l’ange du Seigneur entoure de toutes parts celui qui craint Dieu et l’arrache au péril ? [7]. Par conséquent, tandis que pour les hommes la Providence divine est pleine de sollicitude même au sujet de chacun d’eux, nous devons comprendre qu’il y a, pour les autres animaux, une dispensation générale qui règle l’ordre et le cours des choses ; par exemple, comment la multitude des poissons doit naître et vivre dans les eaux, comment les reptiles et les quadrupèdes se propagent sur la terre, et quels aliments les nourrissent. Mais il serait absurde d’amoindrir la majesté de Dieu jusqu’à faire entrer sa providence dans le menu détail de ce qui naît ou meurt de moucherons à chaque instant de la durée, de ce qu’il y a de punaises, de puces et de mouches sur la terre, de chacun des poissons qui nagent dans l’eau, et de la désignation de ceux d’entre les petits qui doivent servir de proie aux grands. Ne poussons pas l’adulation envers Dieu jusqu’à nous faire injure à nous-mêmes, en faisant descendre sa puissance trop bas, et en prétendant que sa Providence se préoccupe exactement de la même manière de la garde et des êtres raisonnables et des brutes. On doit donc condamner comme extravagant ce livre apocryphe où il est écrit qu’un ange appelé Tyr est commis à la garde des reptiles, et que de même des anges ont été désignés en particulier pour la garde de toutes les bêtes, et pour celle des poissons et des arbres.

  1. Rom. 7, 23
  2. Phi. 3, 13
  3. 1Co. 13, 9
  4. Phi. 3, 15
  5. 1Co. 4, 6
  6. Mat. 18, 1
  7. Psa. 33, 1