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Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/161

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conclure que j’ai commis une erreur en écrivant, au lieu de visio, qui est du genre féminin, visus, qui est du masculin, et moins usité en latin ; puisque Hazon, qu’Aquila rend par ὁκαματιςμὸν, est en hébreu du genre masculin, et que le texte original lui conserve, jusqu’à la fin, la même déclinaison masculine. Les Septante, au contraire, en disant : « Écrivez cette vision, et ensuite : « S’il diffère, attendez-le, parce qu’il viendra assurément, et ne tardera pas ; si quelqu’un s’y refuse à l’attendre, il déplaira à mon à me en cela », ont d’abord rendu par vision du genre féminin un mot masculin en hébreu, et ensuite ils sont revenus à la déclinaison masculine de ce mot, telle qu’elle est dans l’hébreu : « Αttendez-le », et il déplaira à mon âme en cela », alors qu’ils auraient dû évidemment, après avoir une première fois traduit par vision, demeurer fidèles au genre féminin dans le reste, et dire : « Attendez-la, car elle viendra certainement ; si quelqu’un refuse de l’attendre, il ne plaira pas à mon âme à cause d’elle », c’est-à-dire, de cette vision. Je fais cette remarque pour ne point paraître passer sous silence ce que j’ai appris. Je n’ignore pas d’ailleurs que, d’après leur version, ce passage peut encore être ainsi entendu : Écrivez cette vision dans laquelle Jésus-Christ est promis, et reproduisez, ou sur le buis, ou sur des tablettes, ou, d’après Symmaque, « sur des pages », ce développement de votre prophétie : qu’au temps marqué et à la consommation du monde mon Fils viendra pour sauver les brebis perdues delà maison d’Israël, qu’il rassemblera les autres brebis avec ses anciennes brebis, et que, formant un seul et même troupeau, il réunira les deux verges qu’Ézéchiel, c’est-à-dire « la vertu de Dieu », tient rapprochées et étroitement entrelacées dans sa main prophétique. [1]. Que si, ô Prophète, ou bien, ô vous, peuple, d’après les propos de qui mon Prophète lui-même a paru douter de ma providence, le Christ différait quelque peu et semblait lent à venir, attendez-le néanmoins, parce qu’il viendra certainement, et il ne tardera pas ; et le reste qui a été déjà commenté. Pourquoi l’Apôtre, écrivant aux Romains : « Le juste vit de la foi qui vient de moi », [2], a-t-il préféré s’appuyer sur la version des Septante que sur le texte hébreu ? la raison est des plus claires : il écrivait à des Romains, qui ne savaient pas les Écritures hébraïques, et il n’avait aucun souci des mots, pourvu que le sens fût sûr et que la discussion qu’il soutenait n’éprouvât de là aucun dommage. Qu’on n’oublie pas, en effet, que partout où il y a divergence de sens entre ce qui est écrit d’une manière dans l’hébreu et d’une autre dans les Septante, Paul ne se sert que des témoignages qu’il a appris de Gamaliel, docteur de la loi.

  1. Eze. 19, 1
  2. Rom. 1, 17