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Page:Jerome - Œuvres complètes, trad. Bareille, tome 9, 1881.djvu/206

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têtes des hérétiques qui, bien qu’elles aient des yeux différents, aboient, pour ainsi dire, dans une même langue blasphématoire contre l’Église, – ont été divisées en parties et séparées de leurs corps, trompés par elle, pour être toutes remplacées par la bonne tête. On peut appliquer ce verset, lorsqu’on voit leurs rois et leurs chefs verser le sang chrétien, et qu’ensuite la vengeance du Seigneur les atteint, ce qui est arrivé naguère pour Julien et avant lui pour Maximien, et antérieurement pour Valérien, Dèce, Domitien, Néron ; c’est alors le cas de chanter au Seigneur, avec joie et action de grâces, dans le Cantique : « Vous avez divisé dans la stupeur les têtes des puissants », c’est-à-dire pour l’admiration des fidèles, ou au grand étonnement de tontes les nations, qui ne pensaient pas qu’ils pussent tomber si vite. Alors que j’étais encore enfant, que je me formais dans une classe de grammaire, et que toutes les villes ôtaient souillées du sang des victimes, quand tout à coup, au plus fort de la persécution, on annonça la mort de Julien : « Comment », s’écria élégamment un païen, « les chrétiens peuvent-ils prétendre que leur Dieu est patient et bon ? Rien de plus marqué au coin de la colère, rien de plus précipité que ce trait de rage : il n’a pu contenir sa vengeance même le plus petit instant. » Libre à lui d’avoir dit cela en se jouant ; mais l’Église de Jésus-Christ fit éclater ce chant de joie : « Vous avez divisé dans la stupeur les têtes des puissants. » J’oserai moi-même dire quelque chose de semblable : Divisez, Seigneur, pour l’étonnement de tous, Achab et Jézabel. Je ne suis point Élie, il est vrai ; mais néanmoins cet Achab et cette Jézabel ont mis à mort Naboth ; ils lui ont ravi sa vigne, [1] et ils en ont fait le jardin de leur luxure. Qu’il se trouve quelque Abdias, votre serviteur, qui nourrisse votre pauvre qui mendie ; que le sang de l’impure soit donné aux chiens ; que l’impie et avare Achab tombe sous la flèche du Seigneur. [2].

Les Septante : « Elles seront ébranlées en elles, elles ouvriront leurs freins comme le pauvre qui mange en secret. » Ces têtes, quand elles auront été divisées d’avec leurs corps, et divisées dans la stupeur, en grec ἐν ἐκστάσει, d’où l’accord ἐν αὐτῆ, « en elle », ouvriront aussi leurs freins ou les freins des corps – on peut entendre l’un et l’autre, – afin que l’empire qu’elles exerçaient auparavant sur les corps qui leur étaient soumis, se relâchant, elles cèdent la place, au cavalier et au conducteur meilleur qu’elles. Elles agiront ainsi comme des pauvres qui mangent en secret, n’ayant ni la liberté de manger, ni l’abondance des mets, mais un maigre aliment qu’ils engloutissent à la dérobée, avec le désir que personne ne voie ce qu’ils font. Autre interprétation : Ces têtes, quand elles auront été divisées dans la stupeur, comme retranchées du reste du corps, ouvriront leur

  1. 1Ro. 21, 1
  2. 1Ro. 18, 1