(Elle l’embrasse. Au Docteur.) Emmenez-les tous, docteur. Ils ne s’en iront jamais sans cela. Et dites-leur… expliquez-leur que… que ce n’est pas tout à fait ma faute et que… enfin vous saurez mieux que moi ! (À Newte.) George, mon pauvre vieux, tu n’as plus de train. Tu vas passer la nuit ici. Je te verrai demain matin. Demain matin tous. Demain, il fera jour.
- Tous sortent. Newte s’est approché de Fanny. On sent qu’il voudrait lui faire un long speech. Mais un geste de Fanny l’en empêche.
Newte, bougon. — Bonne nuit, Fanny !
- Il sort.
Fanny, seule, va au portrait de lady Constance. — Madame, j’ai bien compris, n’est-ce pas ? C’est bien ça que vous vouliez que je fasse ? C’est bien ça ? Alors, pourquoi ne l’avez-vous pas dit tout de suite ?
- Elle tombe en pleurant sur la table.
ACTE III
La cheminée pleine de cendres. C’est le matin de bonne heure.
Newte. — Pas besoin de vous sauver, chères demoiselles. Ça n’est que moi…
L’Aînée. — C’est… ah !
- Elle s’arrête.
La Cadette. — Monsieur Newte ! Ah !
- Elles respirent.
Newte. — Quand on a voyagé en Pullman au travers de l’Amérique, chères demoiselles, avec une troupe d’opérette, on peut tout voir ! Vous voulez votre déjeuner, n’est-ce pas ? Je l’ai deviné. Alors nous allons le prendre dans dix minutes : thé, toasts, porridge, eggs and bacon… etc.
L’Aînée. — Nous vous sommes bien obligées.
Newte. — J’ai une précieuse expérience du camping ! Puis… on va pouvoir causer tranquillement de ces événements, tous les trois, sans que personne nous dérange.
- Il les a amenées à la table, elles se laissent faire.
L’Aînée. — Nous n’avons pas dormi de la nuit…
Newte, il fait sa cuisine. — Personne, miss Wethrell. Personne… Pas fermé l’œil une seconde.
La Cadette. — Nous désirons parler à Vernon dès qu’il sera debout.
L’Aînée. — Avant qu’il revoie Fanny…
La Cadette. — Nous avons quelque chose à lui dire.
L’Aînée. — Quelque chose de très important.
Newte. — Moi aussi ! Moi aussi ! Mais, savourez-moi d’abord cette tasse de thé avant toutes choses. Faut calmer nos nerfs.
La Cadette. — Vernon n’est pas levé ? (Newte fait signe qu’il l’ignore.) Il faut absolument que nous lui parlions avant qu’il voie Fanny.
Newte. — Ça sera fait. Ça sera fait. (Il verse le thé.) Je suppose qu’ils dorment encore tous deux.
La Cadette. — Pauvre petit ! (Le Docteur Freemantle entre.) Si seulement elle n’avait pas…
Le Docteur. — J’étais bien sûr d’avoir entendu parler.
Newte. — Chut !
- Il montre les deux portes.
La Cadette. — Que c’est aimable, docteur, de ne pas nous avoir abandonnées hier soir !
L’Aînée. — Nous étions si bouleversées !
La Cadette. — C’est là qu’on aperçoit le prix de l’amitié, cher docteur.
L’Aînée. — Avez-vous bien dormi, au moins ?
Le Docteur. — On ne peut mieux ! Je n’ai pas fermé l’œil, bien entendu.
Les Misses. — Oh !
Newte. — Chut !
Le Docteur. — Mais je serai tout à fait confortable quand j’aurai pu me raser.
Newte. — Ça ! J’allais le dire pour mon compte… (Le pot au lait à la main.) Du lait, chères demoiselles ? Voilà ! Et du sucre.
Le Docteur s’est assis. — Les Bennett sont partis ?
Newte. — Ma foi, ils en ont été priés dans les règles, hé !
La Cadette, pleurnichant un peu. — Mon Dieu ! Que nous sommes folles et sottes ! Nous n’avons jamais rien appris à faire par nous-mêmes !
L’Aînée. — Nous ne savons même pas où l’on range nos objets personnels !
Le Docteur. — Ces diables de Bennett ! Ils ne peuvent pas être partis d’un bloc tous les vingt-trois ! Aurait fallu un autocar ! (À Newte.) Vous n’en avez pas vu un seul ? Ni vous, misses ?
Newte. — En bas, je n’ai pas rencontré une âme. Le désert. Le désert sans ses hôtes habituels…
Le Docteur. — Ils sont sûrement quelque part. Peut-être pas encore levés. Il est à peine sept heures.
La Cadette. — Mais ils ont été remerciés ! On ne peut pas leur demander quoi que ce soit !
L’Aînée. — Cela ne serait pas digne !