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Page:Jetté - Vie de la vénérable mère d'Youville, 1900.djvu/123

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madame d’youville

pui humain, laissât voir combien est forte l’âme destinée à faire sa volonté, lorsqu’elle sait ne s’appuyer que sur Lui.

Désormais sans inquiétude sur sa situation à l’hôpital, Mme d’Youville déploya un zèle et une activité dignes du motif qui l’animait. Son œuvre prenait peu à peu entre ses mains la forme et le caractère que sa charité voulait lui donner. Devenue maîtresse de l’établissement, elle lui donna un nouvel essor en y recueillant toutes les infortunes. Elle augmenta le nombre de ses pauvres, sans distinction d’âge ni de sexe, et elle logea les aliénés dans le haut de sa maison. Dès 1734, sur la demande d’un prêtre zélé, elle avait même consenti à recevoir chez elle les femmes de mauvaise vie, et elle continua à s’occuper d’elles. On raconte à ce propos un trait qui peint bien le courage et la douceur de la fondatrice. Un jour, un soldat, qui avait eu une liaison criminelle avec une de ces femmes retenue par Mme d’Youville, se présenta au parloir, demandant à voir la directrice, ajoutant qu’il venait pour ôter la vie à celle qui avait enfermé l’objet de sa criminelle passion. Vite on accourt prévenir Mme d’Youville et on lui demande en grâce de ne pas descendre au parloir. Mais, n’écoutant que son zèle, elle s’empresse, au contraire, d’aller au-devant du misérable et lui ordonne de sortir à l’instant. Celui-ci, au lieu de continuer ses bravades et ses menaces, se retire apaisé par les paroles pleines de douceur et d’énergie de la sainte femme.