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En 1869 je me suis assuré, par une enquête attentive et fort étendue, que 31 1/2 pour 100 des souverains et près de la moitié des pièces de dix shellings étaient alors au-dessous de la limite de poids. Le lecteur qui a fait attention aux remarques sur la Loi de Gresham (p. 67), verra que jamais les pièces d’or nouvelles, en quelque quantité qu’elles soient émises, ne peuvent chasser de la circulation ces vieilles pièces usées, parce que ceux qui exportent ou fondent les pièces, ou traitent les pièces comme métal brut, auront soin de n’opérer que sur les bonnes.

Cet état défectueux de la monnaie d’or anglaise produit parfois de grandes injustices. J’ai entendu parler d’une personne sans expérience qui, après avoir reçu quelques centaines de livres en or d’un commerçant en métaux de la Cité, alla droit à la Banque pour les y mettre en dépôt. On trouva que la plupart des souverains étaient trop légers, et le malheureux dépositaire dut supporter des frais énormes. Le négociant lui avait évidemment donné le reste d’une masse de monnaies dont il avait trié les plus pesantes. Dans un cas encore plus fâcheux, qu’on m’a rapporté récemment, un particulier présenta au bureau de Saint-Martin-le-Grand un mandat sur la poste, et porta les souverains reçus au bureau du timbre, à Somerset-House, où les pièces furent pesées et où l’on en trouva quelques-unes qui n’avaient pas le poids. Ici un homme avait été fraudé, pour ainsi dire, entre deux bureaux du gouvernement.

Nous devons reconnaître que le gouvernement fit, en juillet 1870, un léger effort pour amener le retrait des pièces d’or trop légères, en s’engageant à les reprendre, par l’intermédiaire de la Banque d’Angleterre, au taux normal de 3 livres 17 shellings 9 pence par once pesant, tandis que la Banque avait payé seulement jusque là 3 livres 17 shellings 6 1/2 pence, parce que les anciens souverains étaient, pour la finesse, un peu au-dessous du titre. Sans doute cette mesure amena une certaine augmentation dans la quantité des pièces retirées ; mais la perte qui résulte de la diminution du poids retombe encore sur le public, et, tant qu’il en sera ainsi, le retrait des pièces d’or trop légères sera insuffisant pour maintenir cette monnaie au poids légal.