Page:Jodelle - Les Œuvres et Meslanges poétiques, t. 1, éd. Marty-Laveaux, 1868.djvu/160

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tanchee ?

CLEOPATRE.

Mais (ô Dieux) à quel bien, si ce jour je devie !

ERAS.

Mais ne plaignez donc point et suivez vostre envie.

CLEOPATRE.

Ha ! pourrois-je donc bien, moy la plus malheureuse (125)
Que puisse regarder la voûte radieuse,
Pourrois-je bien tenir la bride à mes complaintes,
Quand sans fin mon malheur redouble ses attaintes,
Quand je remasche en moy que je suis la meurdriere,
Par mes trompeurs apasts, d’un qui sous sa main fiere (130)
Faisoit croûler la terre ? Ha ! Dieux, pourrais-je traire
Hors de mon cœur le tort qu’alors je luy peu faire,
Qu’il me donnat Syrie, et Cypres, et Phenice,
La Judee embasmee, Arabie et Cilice,
Encourant par cela de son peuple la haine ? (135)
Ha ! pourrois-je oublier ma gloire et pompe vaine
Qui l’apastoit ainsi au mal, qui nous talonne
Et malheureusement les malheureux guerdonne,
Que la troupe des eaux en l’apast est trompee ?
Ha ! l’orgueil, et les ris, la perle destrempee, (140)
La delicate vie effeminant ses forces,
Estoyent de nos malheurs les subtiles amorces !
Quoy ? pourrois-je oublier que par la roide secousse
Pour moy seule il souffrit des Parthes la repousse,
Qu’ils eust bien subjuguez et rendus à sa Romme, (145)
Si les songears amours n’occupoient tout un homme,
Et s’il n’est eu desir d’abandonner sa guerre
Pour revenir soudain hyverner en ma terre ?
Ou pourrois-je oublier pour ma plus grand’gloire
Il traîna en triomphe et loyer de victoire, (150)
Dedans Alexandrie un puissant Artavade,
Roy des Armeniens, veu que tel