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le robinson suisse.

d’en coudre solidement l’ouverture ; il s’agissait de faire un pressoir.

Sous une des plus fortes racines de notre arbre j’établis une sorte de plancher, sur lequel je posai le sac de manioc, que je couvris de grosses planches, et, entre ces planches et la racine de l’arbre, j’introduisis l’extrémité d’une poutre qui nous servit de levier, au moyen d’objets très-pesants, enclumes, masses de plomb, barres de fer, suspendus à l’autre extrémité. La pression exercée par cette poutre fut si forte, qu’en peu d’instants le suc du manioc sortit à gros bouillons et ruissela de tous côtés. Les enfants étaient très-étonnés du résultat obtenu de la sorte.

« C’est une machine que je n’aurais pas inventée, dit Fritz.

ernest. — Je croyais qu’on se servait de levier pour soulever des pierres et d’autres corps lourds, mais non comme moyen de pression.

moi. — Les nègres ignorent aussi cette méthode ; ils font avec l’écorce d’arbre de longs paniers qui, remplis de manioc, se raccourcissent et prennent des dimensions plus larges. Ils les suspendent alors à des branches d’arbres et attachent à la partie inférieure de grosses pierres ; ces pierres, par leur poids, tirent sur les paniers et leur font reprendre forcément leur forme allongée ; sous la pression de l’enveloppe, le manioc laisse couler son jus.

ma femme. — Ce jus n’est-il bon à rien ?

moi. — Si, vraiment : les sauvages y mêlent du poivre, du frai de homard, le font cuire, et le mangent comme un mets délicieux. Les Européens le laissent quelque temps dans de larges vases, et font sécher le dépôt au soleil pour obtenir un amidon très-fin.

fritz. — Ne pourrions-nous pas nous mettre à faire du pain ? Il ne sort plus une seule goutte de jus du manioc.

moi. — À l’œuvre, mes amis ! »

Je pris quelques poignées de farine et les délayai dans un