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le robinson suisse.

pommes de terre, afin d’avoir autre chose à nous offrir si je manquais mes gâteaux ; puis elle travailla au sac demandé.

J’étendis à terre une grande toile, je distribuai à mes fils une certaine quantité de manioc préalablement bien lavé, et leur donnai une râpe. Ils se mirent à râper avec ardeur, et en peu de temps ils eurent un assez gros tas d’une fécule assez semblable à de la sciure blanche et mouillée. Ils riaient à qui mieux mieux en regardant cette singulière farine.

« Ça va faire de fameux pain ! s’écria Ernest, du pain de raves et de navets ! c’est nouveau !

le petit françois. — Je trouve que la farine a une bien mauvaise odeur.

moi. — Riez à votre aise de ma farine ; elle nous donnera bientôt un pain délicieux qui fait la nourriture principale de plusieurs peuplades d’Amérique, et que les Européens trouvent même supérieur au pain de froment. Il y a plusieurs espèces de manioc : les deux espèces qui produisent le plus vite et auxquelles on donne la préférence sont pourtant vénéneuses quand on mange les racines crues ; la troisième n’est jamais dangereuse : comme nous ne savons pas de quelle espèce est notre manioc, nous devons prendre quelques précautions. D’abord pressons cette fécule.

ernest. — Pourquoi, mon père ?

moi. — Parce que, dans l’espèce dangereuse, le suc seul de la racine est nuisible. Ensuite, par surcroît de prudence, nous aurons soin de faire goûter nos galettes au singe et aux poules avant d’en manger nous-mêmes.

jack. — Vous allez empoisonner mon singe !

moi. — N’aie pas peur : si c’est du poison, nos animaux n’en mangeront pas, ou, s’ils en mangent, la quantité, étant très-faible, ne pourra les faire mourir. »

Quand je crus la quantité de manioc râpé suffisante, j’en remplis le sac que ma femme m’avait apporté, ayant soin